Syrie : un guide de compréhension

Le conflit actuel en Syrie en laisse plus d’un perplexe, et c’est compréhensible vu la complexité du problème. Les difficultés viennent de la longue durée du conflit mais surtout du grand nombre d’entités impliquées. Le New York Times a récemment publié un résumé explicatif de la situation à l’heure actuelle. Ce qui suit est un aperçu de la situation et une courte explication des relations entre les différentes forces en action. A noter, le texte suivant est loin d’être exhaustif, il ne sert qu’à avoir une idée général des conflits.

Premièrement, il ne s’agit pas d’une guerre uniquement syrienne mais internationale. Une douzaine de pays sont impliqués : la Syrie, ses voisins (Liban, Iran, Turquie), les USA, la Russie, entre autre. Deuxièmement, il n’y a pas qu’une guerre, mais deux guerres superposées. La première est la guerre civile opposant le gouvernement syrien de Bashar al’Assad aux groupes rebelles syriens. La deuxième oppose l’État Islamique (EI ou ISIS) aux USA et leurs alliés dans l’éternelle guerre contre le terrorisme qui a fait la politique militaire  – mais pas que – des États-Unis depuis le 11 septembre 2001. Le fait qu’il y ait plusieurs strates crée des tensions, car deux nations alliées dans une guerre peuvent se retrouver ennemies dans une autre. Et c’est exactement ce qu’il se passe ici.

La guerre civile

Les origines de la guerre civile en Syrie remontent à loin et on ne s’y attardera pas ici. Pour les curieux, une petite vidéo du Guardian résume bien les origines du conflit, je vous invite à la consulter. Pour faire court, la Syrie regroupe un grand nombre de communautés différentes et le gouvernement d’Assad comme celui de son père avant lui ne représente qu’une faible partie des habitants. De plus c’est un régime dur. L’exaspération populaire a pris de l’ampleur et des groupes armés ont commencé à s’opposer au régime en place.

Syrie_Guerre civile 2

Les alliés du gouvernement syrien sont l’Iran, l’Irak et Hezbollah, pour des raisons religieuses entre autre. La Russie souhaite consolider une de ses rares alliances dans une région qui suscite beaucoup de convoitises, et aussi garder l’un de ses principaux acheteurs d’armement. De leur côté, les rebelles bénéficient du soutien des USA, surtout financièrement (et aussi via la formation des troupes sur le terrain). Les USA visent principalement l’État islamique et n’ont jamais porté d’attaque directe contre le gouvernement Assad. Les rebelles sont également soutenus par la Turquie ainsi que par l’Arabie Saoudite, la Jordanie et le Qatar. L’État islamique quant à lui souhaite la chute du régime d’Assad pour établir son califat en Syrie ainsi que sur l’Irak voisin.

La guerre contre l’État islamique

Largement menée par les USA, cette guerre oppose l’État islamique à plus ou moins tout le reste des forces en présence. En effet leurs alliés sont rares et on semble visiblement du côté de l’ “alliance” vouloir se diriger vers une guerre d’attrition – c’est-à-dire viser les ressources et l’économie, couper les aides et renforts de l’EI et le regarder s’écrouler. Cependant, l’état de chaos invraisemblable dans lequel se trouve la Syrie actuellement empêche une bonne mise en application de cette méthode. Malgré tout, la plupart des nations de la région voient dans la montée en puissance de l’EI une sérieuse menace et le considère de fait comme un ennemi.

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Outre le groupe des USA et de leurs alliés, l’État islamique se retrouve également confronté au gouvernement syrien dont il cherche à envahir les territoires. Celui-ci se défend tant bien que mal – plutôt mal, étant donné qu’il est déjà aux prises avec les rebelles syriens. Le but des alliés de Bashar al’Assad étant de préserver le gouvernement en place, ils le soutiennent dans une guerre comme dans l’autre.

On a donc une sorte de guerre sur trois fronts.

A noter encore, les nations unies ne peuvent intervenir contre le régime Assad car la Russie et la Chine s’y opposent, toutes deux ayant des intérêts dans la région, principalement économiques.

Le cas des Kurdes

L’un des principaux alliés des USA dans leur guerre contre ISIS sont les Kurdes, qu’ils soutiennent financièrement et militairement. En associant leurs efforts, ils ont repoussé ISIS, laissant au nord de la Syrie une large bande territoriale aux mains des Kurdes. Pour ceux-ci, les enjeux sont un gain d’autonomie et à terme un état kurde indépendant. Mais les Kurdes, c’est 30 millions de personnes vivant sur des territoires divisés en Turquie, Syrie, Iran et Irak. Des pays pour lesquels l’émergence d’un état kurde fait peur. C’est tout particulièrement le cas de la Turquie, qui combat les séparatistes kurdes depuis des années et grince des dents en voyant les USA les soutenir, même pour une cause qui est toute autre.

Syrie_Kurdes

Toute la zone sous contrôle kurde se situe aux abords de la frontière avec la Turquie, ce qui a eu pour effet de renforcer les tensions dans la région.

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La Syrie, un pays fragmenté

Les dangers

L’instabilité de la situation et la complexité des relations entre les différents acteurs laissent à présager des dangers potentiels graves, en dehors des effets néfastes immédiats de la guerre. Les tensions montent et les alliances s’affaiblissent. Aujourd’hui, l’État islamique est l’ennemi commun de la Russie et des USA, cependant les missiles des premiers volent dans l’espace aérien des seconds. Dernièrement, des frappes aériennes russes ont tué un chef rebelle soutenu par les États-uniens. Du côté turc, on soutien la politique de lutte contre ISIS tout en bombardant les rebelles kurdes sur son propre territoire. Quant aux alliés chiites du gouvernement syrien, Iran et Hezbollah entre autre, ils se retrouvent à combattre des rebelles syriens soutenus par l’Arabie Saoudite et d’autres nations arabes voisines.

Vous trouverez une très bonne infographie en français, via Le Monde. Les images proviennent de l’article du New York Times. Les sources sont principalement IHS et the Institute for the Study of War.

Israël sur le divan

Les fissures font leur apparition.

Une bien triste histoire

Vivre dans l’ombre de l’Holocauste, où six millions des vos compatriotes ont été systématiquement assassinés, est sans aucun doute le pire traumatisme psychologique que vous puissiez subir. Pour réellement comprendre l’Israël d’aujourd’hui, il faut comprendre la profondeur du traumatisme qui a mené à sa naissance… et les conséquences psychiques à long terme. Les abus, comme la violence, sont cycliques. Si le cercle n’est pas brisé, la victime peut facilement devenir le tortionnaire. Telle est la tragédie d’Israël.

L’agressé est devenu l’agresseur. Aujourd’hui, Israël serre plus de trois millions de Palestiniens dans son poing de fer, dans ses prisons à ciel ouvert (Cisjordanie et Gaza), les écrasant avec rage pour le crime de quelqu’un d’autre. Pour échapper à ce cercle, Israël doit commencer à accepter son propre traumatisme, et au lieu de répercuter leur propre souffrance et vengeance, voir les Palestiniens comme leurs compagnons d’infortune dans cette tragédie.


Palestine sur le divan

La blessure psychique purulente, de Ramallah à la bande de Gaza, est celle de leur patrie qui leur a été arrachée par un des actes géopolitiques les plus brutaux dans l’histoire récente, et depuis ils ont été subjugués, violés et dépossédés. Trois générations de Palestiniens ont vécu sous l’occupation, et plus d’un demi-siècle de lutte n’a pas réussi à leur rendre la liberté.

Pouvez-vous vous imaginer ce qu’une telle lutte multi-générationnelle fait à un peuple… émotionnellement, psychologiquement, spirituellement ? Pourtant les Palestiniens continuent de résister malgré tout, ils continuent de jeter des pierres à l’injustice et à l’hypocrisie générale. Même si cela ressemble parfois à une rage impuissante, à un type de résistance qui malgré sa passion et engagement ne portera jamais ses fruits, la lutte révolutionnaire palestinienne se répand profondément. Une partie du secret de leur résistance acharnée est qu’ils savent que leur combat pour la liberté est l’un des plus grand de notre temps, et que la majorité de la planète est avec eux.

Traduction libre de Israel on the couch- Blueprint for a New World, Part 1: Psycho – Adbusters

Véritables esclaves de nos appareils

Les amoureux du mobile sont plus sur leur téléphone que les uns avec les autres.

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Je me suis réveillé inhabituellement tôt aujourd’hui (5h) et, instinctivement, tel un bon esclave de mes appareils, j’ai immédiatement cherché à atteindre mon MacBook.
Mais à ce moment-là… j’ai décidé de faire quelque chose de différent, de laisser aller mes sens aux stimuli du matin.

Au départ, le matin est silencieux ; il impose un certain respect. La vie fourmille lentement, presque à contrecœur ; le sommeil est forcé à l’exil. Bientôt, des sons brisent le calme du matin. Le bruit fort et sourd d’une moto glisse sur le silence, faisant écho dans les immeubles du quartier comme comme un long cri furieux.

Des voix montent jusqu’au sixième étage, réduites à un murmure ; d’un appartement au-dessus un éclat de rire surgit du balcon comme une source et chute comme un fin gloussement. En contraste, des cris aigus, les gazouillements d’un millier d’hirondelles.

Une traînée de lumière orangée annonce la venue du soleil ; l’incandescence croissante me fait frissonner ; j’ai un sentiment de plaisir intense.

Traduction libre de True slaves to our devices – Blueprint for a New World, Part 1: Psycho – Adbusters

Les raisons du Oui

L’initiative suisse du 9 février 2014 contre l’immigration de masse a été accepté à une très faible majorité, 50.3%, ce qui n’a pas manqué de frustrer les partisans du non, le président de la Confédération Didier Burkhalter compris. Mais au delà du faible écart qui a fait pencher la balance, interrogeons-nous sur les raisons qui ont mené à ce résultat. En effet, jusqu’à quelques semaines avant les votations, les sondages pronostiquaient un non majoritaire, et c’était l’issue attendue par tout le monde, y compris parmi les initiants, qui ont exprimé leur joie mais aussi une légère surprise à l’annonce des résultats. Dimanche soir, personne ne se risquait vraiment à l’analyse, mais le lendemain du vote les premières réactions et tentatives d’explications se font entendre. Simonetta Sommaruga évoque un vote de défiance envers les autorités politiques, traduction d’un malaise de la population au sujet de la croissance de la population étrangère en Suisse (actuellement 80’000 immigrants par année), malaise dont le gouvernement ne se serait pas rendu compte. C’est une idée assez répandue parmi les citoyens suisses, ayant même poussé certains à voter oui sans grande conviction mais plutôt pour tirer la sonnette d’alarme (action parfois regrettée à la vue du résultat). Mais passé ce point, le flou s’installe. A l’heure de la lecture et de l’analyse de la carte géographique des résultats, les paradoxes s’enchaînent et vont à l’encontre des arguments que l’on donnait de part et d’autre quelques jours en arrière. On perçoit un clivage Romandie/Suisse-allemande typique d’une votation sur un thème lié aux étrangers, mais il n’offre aucune réponse. Le clivage ville campagne, qu’on attendait comme raison principale pour l’analyse des résultats montre l’exact inverse. Premier exemple, les travailleurs frontaliers. Alors que les communes en accueillant le plus sembleraient être les premières à en subir les conséquences et donc à accepter l’initiative, on observe (à quelques exceptions près, notamment le Tessin) l’effet contraire. Il en va de même pour tous les autres arguments portant sur la proximité directe avec les étrangers, bouchons sur les autoroutes, trains bondés, etc. Martin Grandjean, chercheur à l’Université de Lausanne, publie sur son blog un graphique mettant en relation le vote par canton et le pourcentage de population, et les résultats sont clairs : plus on est confronté aux étrangers, plus on refuse l’initiative. A l’exception du Tessin et de Schaffhouse, tous les cantons qui ont voté majoritairement oui ont un pourcentage de population étrangère inférieur à la moyenne suisse. Pas étonnant de lors que les analystes soient confus. Le clivage ville-campagne est vraiment marqué, même au sein de la Suisse-Allemande, où la carte nous montre une plaine verte parsemée d’îlots rouge. Citons l’exemple de Berne : le canton dit oui à 51%, la ville à 27%. Malgré tout une autre piste reste possible, stipulant que c’est justement parce que certaines parties plus rurales de la Suisse ne voient pas les bienfaits directs d’une économie globale, ce dont bénéficient les zones urbaines. Une autre vision de l’économie suisse et des perspectives d’avenir viendrait donc expliquer ces différences. D’autres arguments sont mis sur la table, sans que partisans et opposants n’arrivent à se mettre d’accord sur leur validité, leur importance dans le résultat. Le dumping salarial, par exemple, inexistant chez certains, prépondérant chez d’autres, la question fait s’échauffer les esprits lors des débats. Bien qu’à entendre les patrons et travailleurs des régions concernées, il semblerait que la situation varie énormément en fonction du secteur de travail. Certains engagerait de la main-d’œuvre à l’étranger pour diminuer les coûts, d’autres sont en pénurie d’employés suisses, comme c’est le cas dans le domaine médical, selon un directeur d’EMS genevois. La crainte du chômage, malgré un taux stable à 3.5%. Idem pour la question de la croissance démographique et la pénurie de logement qui en découlerait. Il s’agit d’un problème qui touche principalement les régions urbaines, mais celles-ci restent malgré tout contre l’initiative. Au final, les “perdants” de ces votations tirent les leçons de ce 9 février. On leur reproche un manque d’engagement, des campagnes politiques parfois molles, parfois peu soignées, peu efficaces, parfois trop peu de présence médiatique par rapport à celle de l’UDC. La plupart des acteurs politiques à l’heure actuelle sont d’accord : inutile de se renvoyer la balle, le peuple a pris sa décision, il faut maintenant aller de l’avant et gérer cette nouvelle situation, si difficile soit-elle.

La Suisse, l’UE et la guillotine

Le 9 février 2014 risque de faire date dans l’histoire de la politique suisse et européenne. Le peuple helvétique a accepté, par une étroite majorité, une initiative visant à limiter l’immigration en instaurant des contingents, y compris pour les citoyens membres de l’Union Européenne. Cette décision va l’encontre de l’une des clauses principales que la Suisse a accepté il y a une quinzaine d’années de cela avec les accords bilatéraux, celle de la libre circulation des personnes. Une clause dite “guillotine” a été mise en place lors de la signature du traité, stipulant que si l’un des 7 accords venait à tomber, il entraînerait automatiquement avec lui tous les autres.
C’est le risque qu’a pris le peuple Suisse en votant pour cette initiative, bien que la menace de la guillotine ait fait partie des principaux arguments de ses opposants. Aujourd’hui ceux-ci se voient reproché par certains leur manque d’investissement dans la campagne contre l’initiative, même si la réaction prédominante semble être l’acceptation de la voix du peuple, et la nécessité d’aller de l’avant pour trouver une solution aux problèmes que cette décision pourrait poser avec Bruxelles.
Car la réaction européenne ne s’est pas faite attendre, et ses dirigeants voient d’un mauvais œil la décision suisse, tout en se gardant bien de ne pas remettre en cause la souveraineté du pays. Le lendemain déjà, les réactions se faisaient entendre, et pour la plupart moins clémentes que ce que l’on avait prévu. On parle de cherry-picking, d’accords à la carte, de fromage à trous, et la plupart des députés sont d’accord sur un point : la Suisse ne peut pas garder juste ce qui l’arrange, on accepte tout ou on accepte rien.
La réaction peut se comprendre. En Europe les tensions sont grandissantes au sujet de l’immigration, beaucoup de pays membre aimeraient trouver une solution, Royaume-Uni en tête, les partis de droite de toutes parts saluent l’initiative suisse et appellent à la prise d’exemple. Une des solutions pourraient être de faire du cas Suisse un exemple, montrer que l’on ne bafoue pas impunément les principes fondamentaux qui font la force de l’UE. La peur étant que dans le cas contraire, si la Suisse peut instaurer des quotas, la France, le Royaume-Uni et autres viendraient avec la question : “pourquoi pas nous ?”
L’UDC, unique défenseur de son initiative, affirmait que les négociations avec l’UE ne poseraient pas de problèmes majeurs en cas d’acceptation, malgré tout ils sont les seuls à y croire en ce moment. A présent le Conseil Fédéral s’empare du problème, avec pour objectif de préserver autant que possible les accords bilatéraux dans la concrétisation de ce texte.